Le Violon de Stroh (Stroviols)

Voir la vidéo de l’épisode :

 

prc3a9sentation.jpgLe violon de Stroh, ou Stroviols, possède plusieurs noms.
Vous pouvez ainsi le retrouver sous l’appellation de « violon trompette – encornet – entonnoir – pavillon », « violon phono », « violon jazz » ou en roumain « vioară cu goarnă » ou « highèghe ».

C’est un instrument à cordes frottées hybride souvent mélangé, à tord, avec la trompette du fait de son entonnoir. Mais son anatomie est bien plus complexe qu’un violon et une trompette mélangé.

 

La lutherie de l’instrument :

03.JPGLe Stroviol est un violon modifié. Le plus grand changement réside dans le fait que l’on a complètement retiré sa caisse de résonance en bois pour remplacer cette dernière par un système propre au gramophone.

 

 

05.jpgPetite parenthèse sur le gramophone : il a été inventé entre 1886 et 1889 par l’allemand Emile Berliner. Il fait suite à la précédente invention de Thomas Edison qui n’est autre que le premier moyen de reproduction sonore destiné au public amateur : le phonographe.06.jpg08.jpgGrosso modo il est constitué d’un plateau tournant sur lequel on va installer un disque phonographique possédant des petits sillons de différentes hauteurs.
Une aiguille reliée à une tête de lecture va parcourir ces différents sillons et va transmettre les secousses créées par ces derniers à une membrane, ou diaphragme (utilisé également pour les téléphones). Le diaphragme produira ainsi des vibrations qui seront amplifiées par un pavillon en métal.12.jpg

 

13.JPGPour en revenir à notre violon, le chevalet (parfois en bois mais il peut être également en métal) va faire office d’aiguille en transmettant par l’intermédiaire d’une âme (comme dans un violon normal), les vibrations des cordes de l’instrument jusqu’au centre d’un diaphragme en aluminium14.JPG

16.JPGCes vibrations seront amplifiées par le pavillon pouvant être en métal ou en laiton… Exactement de la même manière que le phonographe.

 

 

Et c’est pour cette raison que le violon de Stroh possède un son nasillard rappelant l’ambiance sonore de cette douce époque du début du XXème siècle.

17.JPGIl existe des modèles à un ou à deux pavillons de tailles différentes.
Le pavillon le plus grand est là pour émettre les fréquences les plus graves et le plus petit les fréquences les plus aiguës.

 

Le son produit par le stroviols est environ 4 fois plus puissant que le son d’un violon.
Du fait de son attirail le poids de cet instrument est relativement important comparé à un violon classique.18.JPG

Ses origines :

Le violon de Stroh est une création d’Augustus Stroh (1828-1914) vivant à Londres et d’origine Autrichienne.

19.gifMonsieur Stroh est ingénieur en électricité travaillant pour l’optimisation du gramophone et du développement du diaphragme de téléphone pour la société Bell .

Il est également l’un des précurseurs de l’enregistrement sur disque de cire.
Son invention daterait de 1899 lorsque qu’il déposa un brevet à l’industrie du gramophone et du disc Shellac le 4 mai 1899 pour une synthèse curieuse entre un violon et un gramophone.

Ce brevet fut accepté le 24 mars 1900.

Et c’est à partir de 1901 que son fils Charles produisit cet instrument unique dans la capitale de l’empire Britannique.

23.jpgComme beaucoup de créations, la naissance du stroviols résulte d’une forte demande de l’époque et répond au besoin d’enregistrer les instruments à cordes présents dans les orchestres.
Car dans les années 1900 on se met à avoir envie d’enregistrer des instruments alors qu’avant on se concentrait essentiellement sur la voix et le chant.

24.gifMais à l’époque les systèmes d’enregistrement n’étaient pas assez puissants pour capter le son d’un violon parmi d’autres instruments. La possibilité d’orienter son pavillon permettait ainsi de rendre le son directionnel et, ainsi, il pouvait être mieux capté.
L’invention du stroviol a ainsi contribué à la présence de violons dans les enregistrements du début du XXème siècle. Il a été très populaire de 1900 à 1930 environ, jusqu’à l’apparition de microphones plus performants dans les années 1925 signant ainsi le déclin de l’instrument.

Monsieur Stroh  a réutilisé la mécanique propre à l’instrument et la déclina ainsi pour les autres membres de la famille des cordes frottées :

28.JPGOn peut ainsi retrouver des altos et des violoncelles à encornet.

 

 

 

 

29.JPGMais il existe également des guitares dotées de ce mécanisme, et plus précisément des guitares Hawaïenne. Utilisant le principe du slide et se jouant sur les genoux. Le modèle que vous pouvez voir comporte un chevalet plutôt intéressant pour l’instrument. En effet, celui-ci est pivotant permettant ainsi à ce dernier de vibrer de droite à gauche.

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Bien que Augustus Stroh fût le pionnier en termes de brevet pour son violon il n’est pas l’unique créateur de violon-phono.
On peut retrouver des inventeurs comme Howson qui proposait toute une gamme ainsi que l’allemand Willy Tiebel.

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Une invention ne venant pas seule, le stroviols possède également quelques cousins.

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Comme le Japan-Fiddle (également nommé Phono-fiddle) qui est un monocorde, se tenant entre les jambes –à la manière d’un violoncelle- et utilisant le même principe de diaphragme – mais ce dernier est à l’intérieur du corps de l’instrument.

 

 

 

 

 

On pourrait comparer le mécanisme de Stroh à un instrument plus ancien, datant du 17ème siècle et provenant des pays d’Asie s’étendant sur une partie du l’Iran, Pakistan et Afghanistan.

38.jpgLa vièle « Sorud » est physiquement bien différente mais si on s’intéresse à son mécanisme il s’approche de notre stroviols.
En effet, les vibrations des cordes passent par un petit chevalet en bois posé sur une peau de chèvre ou de gazelle.
Cette peau fait office de diaphragme et les vibrations de cette dernière sont amplifiées par un entonnoir en bois qui forme le corps de l’instrument.
Il est resserré vers le bas (là où la peau est tendue) et il s’élargit vers le haut laissant ainsi s’échapper le son. A la manière de l’encornet de notre instrument.

Cet instrument est très populaire dans les pays Roumains et plus particulièrement dans la région du Bihor, un district frontalier de la Hongrie. Il serait même devenu récemment l’emblème musicale de cette région. Il est très ancré dans cette culture et nous ne savons pas tellement comment ce dernier est arrivé jusque là et depuis combien de temps.

41.jpgCependant, le compositeur Béla Bartok (1881 – 1945), lors de ses voyages dans ces pays afin d’enregistrer les chants traditionnelles, ne nota à aucun moment la présence de cet instrument parmi la population.
Certains disent que se serait le gramophone, amené par Bartok, qui aurait inspiré les habitants de l’époque pour la création de cet instrument. Mais rien n’est fondé, tout n’est que supposition.

 

Sa pratique dans la musique actuelle :

25.jpgDans un article de 1930, le chef d’orchestre Paul Whiteman, surnommé à l’époque « le roi du jazz », raconte qu’il a découvert ce violon lors d’un voyage en Allemagne. Il explique que ses qualités le rendent beaucoup plus adapté au jazz que le violon classique.


Erwin Schulhoff, décédé en 1942 dans les camps de concentration nazis, aurait composé une musique pour stroviols (ou saxophone) et piano en 1937 nommé « Susi ».27.jpg

42.jpgAu niveau filmographique on retrouve brièvement la présence de ce violon dans le film « A la rencontre de Forrester » de Gus Van Sant avec, en vedette, Sean Connery.

 

 

 

44.jpgMais vous pouvez le retrouver dans des groupes populaires actuels comme « Les Ogres de Barback ».
Quatre frères et sœurs, tous multi-instrumentistes, jouant des chansons Française à influence Tzigane. Alice et Sam des Ogres ont utilisés le Stroviols sur une tournée il y a quelques années après l’avoir découvert, lors d’un voyage en Birmanie, dans un magasin d’instruments de Rangoun, sa capitale.45.jpgLa « Fausse compagnie » étudie, utilise et même fabrique également ces instruments inspirés de Stroh pour en faire un spectacle nommé « Le chant des pavillons ».46.jpg

48.jpgDans un des clips de Lindsey Stirling « Roundtable Rival » on pourrait croire qu’elle utilise un Stroviols. Malheureusement, même si son violon est très inspiré de cet instrument c’est simplement un violon électrique customisé avec une trompette pour donner un effet steampunk.

Remerciements :

Je remercie chaleureusement le Musée de la musique de la Cité de la musique de Paris, et plus particulièrement monsieur Echard et monsieur Vaiedelich, conservateurs au musée, pour m’avoir accueillit en répondant à toutes mes questions sur cet instrument et en me laissant accès à la réserve pour que je puisse prendre en photo le stroviols, le strocello et la guitare hawaïenne de stroh.

Je remercie également Alice des Ogres de Barback qui a bien voulu répondre à mes questions et qui m’a fournit deux photos d’elle et de son frère, jouant de ce violon.

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Violon_%C3%A0_pavillon
http://fr.wikipedia.org/wiki/Augustus_Stroh
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gramophone
http://chroniques.bnf.fr/archives/decembre2006/numero_courant/coulisse/violon_de_stroh.htm
http://cmonie.genealogie.free.fr/objets/violophone.htm
http://www.strohviolin-shop.com/fr/index.ph
phttp://www.mim.be/fr/higheghe?from_i_m=1
http://jmomusique.skynetblogs.be/tag/violon+stroh
http://www.francebleu.fr/les-acousticiens-manceaux-travaillent-sur-le-stroh-violon-1368500749
http://blogoscope.over-blog.com/article-22231259.html
http://www.audiovintage.fr/leforum/viewtopic.php?f=77&t=39107

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